L’ex-Allemagne de l’Est, parent pauvre du football allemand

Les clubs allemands flambent cette année sur la scène européenne. La sélection nationale est en passe de se qualifier une nouvelle fois pour une coupe du monde. Les stades sont pleins tous les week-ends. Pourtant cette bonne santé apparente cache une incongruité. Aucun club d’ex-Allemagne de l’Est ne participe plus à la Bundesliga depuis la relégation de l’Energie Cottbus en 2009. Sharkfoot fait le point sur les difficultés structurelles de ces clubs à rejoindre l’élite.

Des clubs sous-représentés au niveau professionnel

Avec trois qualifiés en huitièmes de finale de Ligue des Champions, dont le Bayern Munich et le Borussia Dortmund qualifiés en demi-finale, le football outre-Rhin vit une saison faste et valide par la même occasion la gestion rigoureuse de ses clubs depuis plusieurs années. Cependant, la bonne santé du football allemand est loin de représenter une réalité homogène. Si l’on se tourne vers l’est, c’est le vide absolu. Les équipes de l’ancien bloc de l’Est sont pour ainsi dire absentes du paysage footballistique national. Pour retrouver un club est-allemand en Bundesliga, il faut remonter à la saison 2008/2009 et la relégation de l’Energie Cottbus. Depuis lors, aucune équipe n’est parvenue à atteindre l’élite.

Composée de trois divisions majeures, le championnat allemand compte 56 clubs professionnels. Pourtant seuls huit de ces clubs se situent en ex-Allemagne de l’Est. Quatre évoluent en Bundesliga 2 : Energie Cottbus, Union Berlin, Erzgebirge Aue et Dynamo Dresde. Quatre jouent en 3. Liga : Chemnitzer FC, Hallescher FC, Hansa Rostock et SV Babelsbergs 03.

Cette saison, l’Energie Cottbus et l’Union Berlin ne pourraient plus accéder parmi l’élite que via les barrages. Les deux premières places sont désormais inaccessibles. Si rien n’est encore joué avant la fin du championnat, les chances de voir figurer une de ces équipes au sein de l’élite l’an prochain semblent faibles.

Des difficultés économiques persistantes

Les clubs d’ex RDA n’ont jamais vraiment réussi à s’imposer durablement en Bundesliga. Il faut remonter à 1990, lors de la réunification des deux Allemagne, pour mieux comprendre les difficultés rencontrées. Avant cet épisode historique, les meilleurs clubs d’Allemagne de l’Est s’affrontaient en « DDR-Oberliga », la première division nationale. Avec la réunification, ils furent intégrés au championnat de l’ouest lors de la saison 1991/92. Cette intégration se fit néanmoins de façon très inégale. Seuls les deux premiers de DDR-Oberliga, le Hansa Rostock et le Dynamo Dresde, intégrèrent la Bundesliga. Les clubs classés de la 3e à la 6e place se retrouvèrent en Bundesliga 2. Depuis lors, seuls quatre clubs est-allemands ont connu l’élite ; Dynamo Dresde, Hansa Rostock, Energie Cottbus et VFB Leipzig. Le Hansa Rostock se classa deux fois au 6e rang de la Bundesliga lors des saisons 1995/96 et 1997/98. Aucune équipe n’atteindra un meilleur classement.

Un constat alarmant, dû en grande partie aux difficultés économiques de ces clubs, suite à la chute du régime communiste. Avant la réunification, les clubs de sport en RDA appartenaient aux associations sportives des différents secteurs d’activités, eux-mêmes détenus directement par l’Etat. Dès 1949 les clubs de sport furent progressivement renommés en fonction de la branche d’activité qui les gérait. C’est ainsi que sont nés le Lokomotive Leipzig (transport), le Hallescher FC Chemie (chimie), le Energie Cottbus (énergie) ou encore le Dynamo Dresde (sécurité) et le célèbre Dynamo Berlin (club de la Stasi, la police secrète est-allemande), vainqueur dans des conditions douteuses de la DDR-Oberliga de 1979 à 1988.

Dernier vainqueur du championnat d’Allemagne de l’Est, le Hansa Rostock, en proie à des difficultés financières, se morfond désormais en 3. Liga (Crédit photo : www.kckrs.com)

Avec la chute du Mur et la réunification, les clubs est-allemands se sont retrouvés, du jour au lendemain, sans soutien financier. Le rattrapage économique lancé à partir de 1990 n’a pas permis de réduire totalement les inégalités entre l’est et l’ouest et les investissements dédiés à la reconstruction avaient d’autres priorités que le redressement des clubs sportifs.

L’Allemagne et sa gestion locale des clubs

Une économie en retard et des investissements quasi inexistants, les équipes est-allemandes souffrent depuis près de 20 ans d’un manque de financement. Ce n’est pourtant pas la seule raison du retard des clubs de l’est de l’Allemagne. La gestion des clubs de football allemands s’appuie en grande partie sur un sponsoring local et les supporters voient, en général d’un très mauvais œil, l’arrivée de capitaux étrangers au sein de leur club de cœur.

Les équipes allemandes sont ainsi sponsorisées par des entreprises souvent proches géographiquement du club soutenu, Wolfsburg et Volkswagen, le Bayer Leverkusen et Bayer AG, le Borussia Dortmund et Evonik Industries ou encore le Borussia Mönchengladbach et la Deutsche Postbank. Un sponsoring local et des associations de supporters comme actionnaires majoritaires constituent les deux piliers de la gestion financière des clubs de football outre-Rhin.

Seulement à l’est, les sponsors locaux n’ont pas les mêmes moyens qu’à l’ouest. Le manque d’argent, voilà la triste raison de l’état actuel des clubs est-allemands. Pas de moyens financiers pour attirer de grands noms, ni pour développer des centres de formations. Et si par bonheur, un jeune prodige se révélait au grand jour, il serait vite repéré par un grand club, comme ce fut le cas pour Toni Kroos, formé au Hansa Rostock et acheté par le Bayern Munich en 2005 alors qu’il n’avait pas seize ans.

Depuis la réunification, les clubs de football est-allemands subissent de plein fouet les difficultés économiques auxquelles sont confrontées les anciennes régions du bloc de l’Est. Peu de moyens financiers, une gestion des clubs parfois proche de l’amateurisme et des investissements quasi nuls comparés aux autres équipes outre-Rhin, les clubs des anciennes régions communistes ont accumulé beaucoup de retard. La Bundesliga n’est pas prête de passer à l’Est.