León, au bout du rêve

Depuis des mois, je pense à cet article. Que vais-je écrire ? Quel titre vais-je choisir si mon León rejoint la Primera División mexicaine après dix ans de ban ? Aujourd’hui, je m’aperçois que des mois de réflexion n’auront servi à rien. J’ai vécu une soirée magique, et je ne sais pas vraiment par où commencer.

Le début de cette histoire prend place mercredi dernier. León, champion invaincu du tournoi de Clausura, se déplace chez Correcaminos, champion du tournoi d’Apertura pour le match aller de la finale pour la montée. Les visiteurs sont favoris mais se font surprendre par une équipe courageuse de Correcaminos (2-1). Pire, l’expulsion de son buteur-vedette Sebastián Maz fait planer sur la ville les fantômes du passé. À León, personne n’a oublié la défaite en finale face à Tijuana quelques mois plus tôt, aux airs de match arrangé. Les rumeurs s’envolent, incontrôlables.

Sebastián Maz se serait vendu, et la montée on va se la mettre où vous pensez. Il faut dire que le peuple esmeralda attend ce moment depuis dix ans. Dix ans de désillusions en série, écartées par cette incroyable saison, avant d’être ramenées sur le devant de la scène ce mercredi. Pour obtenir un retour parmi l’élite, il faudra donc gagner ce match retour par deux buts d’avance, sans son goleador attitré. Qu’à cela ne tienne, j’ai confiance en mon équipe et je me lance avec un pronostic de 2-0, doublé de Eder Pacheco.

Edgar Hernández, l’ange gardien

Arrivé au stade plus de trois heures avant le coup d’envoi, je m’insère tranquillement dans la file déjà interminable qui mène à la porte d’entrée. Si cris et chants sont de rigueur, les visages sont fermés, tendus. Cet étrange mélange de nervosité et de fête, on allait le goûter jusqu’à la délivrance du premier but. Alors que les joueurs sont à l’échauffement, le public lance une première ola, histoire de montrer que lui est bien là et que les joueurs ont intérêt à répondre présent. Finalement, l’heure arrive. Les deux équipes entrent sur le terrain et l’hymne national est lancé, repris par 35000 voix. Des frissons s’emparent de tout mon corps, moi qui ne suis même pas Mexicain.

Le coup d’envoi est donné et je m’attaque à mes ongles, nerveux comme jamais. Nous n’aurons pas beaucoup à attendre pour profiter d’une première « saute émotionnelle ». Sur un corner pour les visiteurs, Rolando Sena s’élève plus haut que tout le monde pour claquer une tête puissante (10e). Ma colonne vertébrale se glace, mais le gardien de León, Edgar Hernández, sauve son équipe – mon équipe – d’une parade réflexe suivie de plusieurs jongles sur sa ligne avant de pouvoir se saisir définitivement du ballon. Ce mercredi, il avait déjà sauvé León d’un 3-0 rédhibitoire grâce à une incroyable manchette.

Carlos Peña, plus fort que la douleur

Hernández ayant fait le boulot derrière, l’aspect offensif peut alors se mettre en place. León prend le contrôle du milieu et utilise à merveille la vitesse de Darío Burbano pour se montrer dangereux. De son côté, Carlos « Gullit » Peña rassure. Incertain en raison d’une blessure au pied ce mercredi, il tenait absolument à jouer ce match et ignore la douleur. Mieux, il est constamment au départ des mouvements offensifs et souvent dans la surface pour porter le danger. Sur une belle action personnelle, il voit sa tentative de lob repoussée en corner par Eder Patiño.

Sur le coup de pied de coin, c’est encore lui qui vient placer sa tête et ouvrir le score (17e). Le stade explose. Je jubile comme jamais, reçoit quelques gouttes de bières tombées du ciel, tombe dans les bras de mes amis. Un instant, une pensée me traverse l’esprit : « ce n’est que de la D2 mexicaine ». Mais ce que je vois vaut plus que toutes les finales du monde. Quatre minutes après le but de Peña, c’est Luis Nieves, le remplaçant de Sebastián Maz qui catapulta le ballon au fond à bout portant (21e). 2-0, León est provisoirement en Primera. Et à ce moment du match, l’issue ne fait plus aucun doute.

« Burbano, hermano, ¡ya eres Mexicano! »

« Burbano, frangin, ça y est tu es Mexicain ! » Voilà comment l’on pourrait traduire le chant du Nou Camp dans les dernières minutes de la rencontre. Il faut dire que l’ailier colombien a tout changé. Toute la saison, il aura été précieux par ses dribbles et ses accélérations, mais trop peu souvent décisif. Ce samedi, il a porté le système offensif de León sur ses épaules. Il est d’abord passeur décisif pour Eder Pacheco après une envolée ultra-rapide dans l’axe (44e, 3-0). Puis en seconde période, il s’offre un doublé, scellant défintivement le sort de la rencontre et de ce championnat de D2 mexicaine. Bien lancé en profondeur, il dépose son adversaire direct avant de battre Patiño d’une balle piquée (70e, 4-0).

Enfin, il profite de l’astuce de Santibañez qui intercepte une passe en retrait d’un défenseur avant de le servir sur un plateau (76e, 5-0). León est en première division. Le coup de sifflet final m’entraîne dans un autre monde. Je vois des rires, des pleurs. De l’émotion à l’état brut. Oscar Mascorro, défenseur rugueux de 32 ans est en larmes sur la pelouse, incapable de se lever. Burbano et Loboa brandissent fièrement le drapeau colombien. Gustavo Matosas, l’entraîneur qui a transformé cette équipe, est en transe devant le kop.

Arc de triomphe, torreros et jeux vidéos

À peine sorti du stade, les supporters prennent la direction de l’Arc de triomphe de la ville pour fêter le titre et la montée tant attendue. Les drapeaux flottent dans les airs, les voitures ont du mal à se frayer un chemin dans cette vague verte qui vient de déferler. Un supporter « un peu chaud » reste au milieu du boulevard et se prend pour un torrero face aux voitures, armé d’un drapeau vert et blanc. Petit à petit, la vague se transforme en inondation, se propageant à la ville entière. Et là, au milieu de ce marasme, une pensée vient percer mon esprit : je pourrai jouer avec mon Club León dans le prochain Fifa 13… Je souris. Même dans mes rêves les plus fous je n’avais imaginé tel scénario.